Les Etats-Unis, porte-flingues des pays industrialisés?  

21/04/2006 

L'une des grilles de lecture pour expliquer les guerres américaines au Moyen-Orient est d'y voir la volonté étasunienne de mettre la main sur les ressources pétrolières de la région à l'heure de la grande crise énergétique annoncée. Pourtant, selon Michael Lind, politologue à la New America Foundation, si les besoins des Etats-Unis en or noir augmentent, ils sont moins dépendants du pétrole musulman que ne le sont les nations d'Asie et d'Europe. A ce titre, l'offensive militaire américaine au Moyen-Orient viseraient donc moins à accaparer les ressources pétrolières de la région qu'à instaurer un "protectorat militaire [américain] sur le golfe Persique [et ses ressources] au nom des autres puissances industrialisées". En campant autour des puits de pétrole, Washington forcent ses alliés, notamment européens et japonais, à lui sous-traiter la protection de leurs sources d'approvisionnement énergétique. Situation qui a le double avantage de les maintenir dans un état de dépendance stratégique, et de menacer directement les approvisionnements énergétiques du grand rival chinois. Pour Michael Lind, le concept stratégique américain est donc aujourd'hui de prendre en charge le travail de protection des sources d'approvisionnement énergétique du monde industrialisé, "afin d'éliminer la tentation pour des alliés comme le Japon et l'Allemagne de mettre sur pied leurs propres moyens de projection de puissance à longue distance pour sécuriser leurs intérêts dans le golfe Persique. De cette manière, les Etats-Unis conservent le monopole sur la capacité d'intervention sur les théâtres d'opération lointains, tout en maintenant le Japon et d'autres alliés en état de dépendance stratégique. Autre avantage, cela permet de menacer les approvisionnements énergétiques de la Chine en cas de conflit sino-américain. La stratégie géopolitique de l'hégémonie américaine globale pourrait à la limite justifier un protectorat militaire sur le golfe Persique au nom des autres puissances industrialisées, même si, hypothèse, les Etats-Unis n'importaient pas une goutte de pétrole de cette région." (...) L'articulation est très bien comprise par l'establishment. Mais c'est inavouable en public, par peur que l'électorat s'insurge contre le fait d'envoyer des troupes se battre, et mourir, dans le but ultime de dissuader l'Allemagne et le Japon de remilitariser parce qu'ils auraient perdu confiance en la protection de l'Amérique. C'est pour cela, aussi, qu'il a fallu «vendre» à l'opinion des prétextes tordus ou bidon (armes de destruction massive en Irak, Saddam prêt à refiler des engins nucléaires à des terroristes) pour justifier l'intervention militaire."
Si l'on retenait cette thèse, l'on pourrait donc schématiser la posture des Etats-Unis comme ceci: un pays prédateur, spécialisé dans la consommation (lire Discours sur l'état de l'Empire), qui ne produit pratiquement rien sauf une formidable capacité de destruction, et affirme son utilité au monde en s'imposant comme porte-flingues des pays industrialisés qu'il rançonne à hauteur de plus d'un milliard par jour en échange de leur "protection" (cf. déficit du budget US). La réalité est bien sûr plus nuancée, sans quoi il ne s'agirait que d'un modèle mafieu érigé en système politique (...). En fait, nous pensons que le contrôle militaire d'une Eurasie où bat le coeur énergétique de la planète est une priorité pour les Etats-Unis. Quant au Grand-Moyen-Orient, leur stratégie est d'y développer, à coups de flingue si nécessaire, un ensemble économique cohérent, c'est à dire soumis à la dictature des marchés et des multinationales
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