Crimes de guerre à Naplouse

Communiqué de presse signé de la direction Centre de la Paix de Bethléem

Publié en anglais dans le numéro de juin de This week in Palestine 

Le 2 avril 2002, l’armée israélienne a mis sur pied la plus grande incursion dans Bethléem depuis 1967 et est entrée de force dans le Centre de Paix qui est situé stratégiquement sur Manger Square, juste entre l’Eglise de la Nativité et la Mosquée de Omar. Les soldats israéliens ont fait sauter la porte arrière de l’Auditorium d’où ils ont pris le contrôle de tout le bâtiment. L’armée a immédiatement installé son quartier général au sein même du Centre, usant librement de chaque bureau et espace du bâtiment pour leur matériel logistique, administratif et militaire pendant la durée de la re-occupation, c’est-à-dire 38 jours, comprenant (aussi) l’usage du toit et de l’une des salles d’exposition comme poste de tir pour les snipers qui visaient aussi bien les gens dans l’Eglise de la Nativité, que les gens sur Manger Square. La place a aussi été utilisée pour des interrogatoires et des détentions provisoires de Palestiniens et de gens de nationalités étrangères, pour diverses conférences de presse et pour «accueillir» des négociations entre Palestiniens et Israéliens visant à mettre fin au siège de l’Eglise de la Nativité.

Ce qui s’est passé dans le Centre dénoncent une arrogance, une violence, une insolence inimaginables et un manque de respect absolu pour la société civile et la dignité humaine. Il y a assurément eu des comportements fous et violents. Le directeur du Centre est entré sur les lieux le vendredi 10 mai au soir. En moins d’une heure, des diplomates du Consulat général suédois de Jérusalem l’ont rejoint. Ils découvrirent une scène de complète dévastation, inexplicable et inexcusable même dans les circonstances d’une occupation militaire. Il ne s’agissait assurément pas de traces laissées par une armée civilisée.

Alors que la structure du bâtiment même a été laissée en grande partie intacte, l’intérieur a été détérioré de toutes les manières possibles. Le Centre, cadeau de la Suède à Bethlehem et dédié à la promotion de la paix, de la démocratie, de la tolérance face aux différentes cultures et religions, était couvert d’un mélange de saletés, de bière, de vin, d'urine, d'œufs, de pourritures et de café et de thé renversés. Dans les toilettes, il y avait des excréments et des vomissures sur les cuvettes, sur le sol et contre les murs.

Dons humanitaires pillés

La cuisine, qui venait d’être installée et n’avait jamais été utilisée, était souillée jusqu’à la rendre méconnaissable d'une couche d’huile, de saleté et de poussière jusqu’au genou avec des jaunes d’œufs coulant le long des murs et sur le sol. Les réserves de nourritures, acquises grâce à des dons humanitaires et prévues pour la distribution aux nécessiteux, ont été totalement pillées. Il y avait des aliments en décomposition et des boissons partout, sur les tables, le sol, les murs et sur les plafonds.

Les galeries ont apparemment été utilisées pour tirer et faire la fête. Il y avait les signes de beuveries à la bière et au vin partout. Une véritable montagne de douilles sur le sol de la galerie faisant face à l’Eglise de la Nativité parle d’elle-même. Des photographies d’une exposition sur l’architecture palestinienne ont été utilisées pour couvrir les fenêtre afin de protéger les soldats des balles. Joseph, pris d’une Crèche de Hong-Kong en exposition, a servi de leurre dans une fenêtre et a perdu sa tête.

Vols massifs

L’ascenseur a été détruit, tout comme plus de 25 voitures parquées dans le garage du Centre. Le vol a aussi largement sévit. La liste comprend au moins 7 ordinateurs et imprimantes, des fac-similés, un photocopieur, tous les téléphones du bâtiment, un destructeur de documents, deux scanners, un projecteur vidéo, un DVD, un magnétoscope, deux téléviseurs, deux projecteurs à diapositives, deux tables de mixage, des lecteurs CD, des microphones et une caméra digitale. Des outils et des pièces détachées ont été volés de l’entrepôt. De nombreux fichiers officiels et affaires personnelles ont été dérobés.

La somme pour que le Centre retrouve l’état dans lequel il se trouvait au 1er avril, s’élève approximativement à 200,000 US$ et prendra des semaines, si ce n’est des mois à être réunie. Ceci sans compter les voitures du garage.

A ce jour, Israël insiste sur le fait que les actes de pillage et de vandalisme sont des incidents rares et isolés, perpétrés par des membres exceptionnellement criminels et individuels de l’armée. L’étendue des dégâts et le fait que le Centre a servi de quartier général à l’armée israélienne durant 38 jours réfutent les démentis d’Israël. Cela prouve sans l’ombre d’un doute que la destruction de la société civile palestinienne et le pillage étaient non seulement tolérés par l’armée mais qu’ils étaient orchestrés par les plus hauts dignitaires de l’armée et qu’ils était en fait un des objectifs de l'Opération mur de protection.

La direction Centre de la Paix de Bethléem


La première enquête d'ONG internationales menée à Naplouse parle d'infractions "qualifiables de crimes de guerre"

Dépêche AFP du 3 juillet 2002
Israël s'est rendu coupable, lors de son opération militaire d'avril à Naplouse (Cisjordanie), d'"infractions graves du droit international humanitaire et des droits de l'homme", indiquait hier un rapport de deux ONG après une mission d'enquête sur place. "D'après le Statut de la Cour pénale internationale, ces infractions sont qualifiables de crimes de guerre", souligne le rapport de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) et de Médecins du Monde (MDM), qui préconise la "mise en place d'une force internationale de protection".
Ce constat a été établi après une mission d'enquête dans l'agglomération de Naplouse, depuis l'Opération "Mur de protection" menée du 3 au 22 avril. Cette mission - composée d'un médecin et de deux juristes - s'est rendue sur place du 28 avril au 5 mai, constitue "la première enquête d'ONG internationales", souligne le rapport. " La mission a notamment pu constater de nombreuses violations de la IVe Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, ratifiée par Israël: entraves à l'accès aux soins; mauvais traitements infligés à des blessés; atteintes à la vie et à l'intégrité corporelle des personnes protégées (délibérées ou conséquence d'un usage indiscriminé et disproportionné de la force); atteintes à la dignité des personnes, traitements humiliants et dégradants; utilisation de boucliers humains", souligne le rapport.
Située à 60 km au nord de Jérusalem, l'agglomération de Naplouse, qui comprend les villages périphériques et 3 camps de réfugiés, est considérée comme la première de Cisjordanie par l'importance de sa population estimée à quelque 200.000 habitants.
"La mission, poursuit le texte, a également relevé que l'armée israélienne a procédé à Naplouse à des arrestations massives et arbitraires. Les conditions de détention et le traitement des détenus sont apparues bien en deçà des règles du droit international humanitaire et des dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants".
L'opération israélienne, qui a duré 19 jours, a fait 89 morts, 289 blessés et des centaines de personnes interpellées, précise le rapport citant la mairie de Naplouse, ville autonome depuis 1995.
De plus, "la destruction de biens mobiliers et immobiliers ainsi que d'autres actes perpétrés par l'armée israélienne équivalent à des peines collectives, proscrites par le droit international humanitaire".
L'épais rapport établit une chronologie détaillée, et rassemble un grand nombre de témoignages recueillis auprès des victimes, de la population civile, de diplomates étrangers, du CICR et des forces armées israéliennes.
La FIDH et MDM "considèrent que la responsabilité internationale de l'Etat d'Israël est engagée du fait des violations du droit des conflits armés commises par les membres de ses forces armées à Naplouse et que l'Etat d'Israël devra réparer les conséquences de ses actes".
"Par ailleurs, certains faits, dont ceux constitutifs des crimes de guerre, sont des infractions pénales internationales dont les auteurs, co-auteurs et complices doivent répondre individuellement", ajoute le rapport