L’Ukraine, ou le fabuleux auto-goal de l’UE

08/04/2014 Le suivisme de l’Europe dans la nouvelle guerre froide lancée par les Etats-Unis est tout simplement effarant. Les ficelles sont pourtant énormes. En phase d’effondrement, l’Empire US a choisi de fracturer l’Eurasie en faisant de l’Ukraine une nouvelle ligne de front Est-Ouest. L’idée est simple : dynamiter toutes possibilités d’un rapprochement entre l’Europe et la Russie qui mettrait immédiatement Washington sur la touche. Sauf que loin de permettre à l’Oncle Sam de «perdurer dans son être» et son hégémonie, la manœuvre va précipiter l’affrontement final entre l’Empire finissant et les pays émergeants du BRICs. En endossant le rôle de toutou d’Obama, Bruxelles est en train d’arrimer l’Europe au funeste destin du Titanic étasunien. Bravo l’artiste.

Un référendum pourtant parfaitement légal
Après la série de sanctions décidée contre Moscou par le Bloc atlantiste, voici donc que l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s’apprête à
voter une résolution déclarant l’illégalité du référendum en Crimée. Or quelle que soit la manière dont on interprète les évènements survenus à Kiev, ils ont rendu le référendum en Crimée parfaitement légal.
En effet, si révolution il y a eu, comme le prétend la presse-Système, elle a nécessairement conduit à la suspension de la continuité constitutionnelle du pays, rendant juridiquement parfaitement légitime le référendum d’indépendance de la Crimée et son intégration à la Russie, ceci en application du principe reconnu du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Et si l’on s’en tient aux faits pour reconnaître
qu’il s’est agi d’un simple coup d’Etat, la légalité du référendum est tout aussi avérée puisque, là encore, le putsch a conduit à une suspension automatique de la Constitution. Sur cette question, Jacques Sapir et Emmanuel Todd achèvent d’ailleurs de tordre le cou avec brio à la propagande de la presse-Système et des journaux autoproclamés «de référence» devenus les porte-voix du Système.

Le bras de fer ingagnable
Ceci posé, l’activisme, puis le suivisme des élites européennes dans le
coup monté par les Etats-Unis pour relancer cette guerre froide contre Moscou (il faut absolument lire cet interview d’un professeur américain détaillant la chose) en sont d’autant plus incompréhensibles.
Car les enjeux, comme les risques, sont désormais colossaux pour l’Europe que ses élites sont en train de livrer pied et poings liés à leur maître-chien étasunien, dont ils vont dès lors partager le funeste destin dans le bras de fer ingagnable qui vient de commencer.
Pour les probables développements dudit bras de fer, nous emprunterons, une fois n’est pas coutume, de larges extraits de la conclusion d’un article publié initialement sur
The vineyard of the Saker, dont voici une traduction disponible sur Agoravox, article auquel nous souscrivons donc largement :

L’Axe de résistance à l’Empire renforcé
«Ainsi, nous ne pouvons que saluer la nouvelle réalité introduite par la crise en Ukraine: la Russie a maintenant ouvertement accepté le défi des Etats-Unis et tous les prétextes de partenariats stratégiques américano-russes sont révolus. Quant à l'Union Européenne, son rôle a été si honteux et scandaleux que la Russie la traitera exactement comme elle mérite de l'être: un protectorat américain soigneusement soumis sans aucune politique ou opinion propre. Maintenant que le prétexte de «partenariat» est enfin tombé, nous pouvons nous attendre à une Russie beaucoup plus affirmée, voire conflictuelle, sur la scène internationale. (…)
» Non seulement l'Iran et la Chine vont probablement obtenir les armes qu'ils ont si ardemment souhaitées (S-300 et Su-35 respectivement), mais la Chine va obtenir des offres très favorables sur les prix énergétiques russes (…). La Syrie et le Hezbollah vont obtenir plus d'argent, plus d'armes et un soutien plus politique. Les pays qui aspirent à devenir finalement membres de l'«Axe de la résistance à l'Empire » obtiendront plus d'aide financière et politique (…) comme le feront des pays plus ou moins pragmatiques qui ne sont pas entièrement inféodés aux États-Unis (le BRICS, bien sûr, mais aussi les petits pays tels que l'Argentine, l'Irak, l'Afghanistan, le Pakistan et tous les autres qui se sont abstenus lors du vote infame à l’ONU récemment)  (…).
» Quant à l'UE, (…) elle devra faire face aux répliques économiques de son implication dans la crise ukrainienne : elle devra garder à flot l'économie ukrainienne, à peine au-dessus de la ligne de flottaison, au mieux, elle devra faire face à l'afflux inévitable de réfugiés économiques et elle aura le plaisir douteux d'avoir à traiter avec l'épineux problème des «talibans ukrainiens» (…).
» L'UE devra faire face à tout cela sous le haut patronage des Etats-Unis qui cachent à peine leur mépris pour l'Europe
[Fuck the EU comme disait Nuland]. (…) Contrairement au Kosovo cependant, l'Ukraine finira par s'effondrer, d'une façon ou d'une autre (…).
»La Russie très probablement n’interviendra pas militairement, sauf si la situation devient vraiment folle, mais une forme d'accord américano-russe est plus probable (…)»

L’auto-goal magistral
Oui, sans doute, une forme d’accord américano-russe interviendra donc tôt ou tard pour apaiser la crise, sans quoi elle ne pourrait qu’enfler jusqu’à la confrontation militaire. Reste que la tendance général ne s’inversera plus et que l’Axe de résistance à l’Empire sortira renforcé de cette confrontation, et le Bloc atlantiste affaibli à mesure.
D’ici là, Moscou aura eu tout le loisir de faire le compte de ses amis, ou à tout le moins des partenaires fiables et envisageables pour lui et les pays du BRICs dont la Russie est la porte d’entrée. En choisissant de jouer les toutous d’Obama, l’Europe s’est d’ores et déjà exclue de cette liste dans un fabuleux auto-goal.

Détail piquant pour conclure, ce
sondage de l’Independent  dont le résultat nous dit l’immense popularité de Vladimir Poutine (90% d’opinion favorable le 8 avril 2014 à 15h44, contre 1% à Cameron et Flamby-La-Poire-Hollande, 2% à Obama et 4% à Merkel). Un résultat qui montre que le Président russe est de plus en plus perçu comme un héros anti-Système au sein même d’un Occident qui, sur la Toile, rejettent en bloc l’enfumage organisé par ses élites et leur machine de propagande.

Mis en ligne par entrefilets.com, le 8 avril 2014 à 18h04

PS de dernière heure: Face au mouvement indépendantiste qui commencent logiquement à secouer l'Est russophone du pays, le Parlement des putschistes de Kiev a décidé ce jour de, je cite, "renforcer le code pénal pour punir plus sévèrement ceux qui tentent de renverser le gouvernement" (SIC). ça ne s'invente pas...
De son côté, l'inénarrable Kerry a accusé Moscou d'être à l'origine des troubles qui agitent l'Est du pays et s'est élevé contre cette "ingérence qui ne trompe personne" a-t-il dit. ça non plus, ça ne s'invente pas... Lavrov a sobrement rétorqué qu'apparemment, les Américains "prêtaient aux autres leurs propres pratiques"... Faut-il vous l'emballer M. Kerry? Hmmm?