L’improbable coalition contre Daesh
17/11/2015 Ainsi donc,
le Président-Poire français s’en va finalement en guerre, bombardant les
troupes de Daesh dans leur fief de Raqqa. Pour ne pas admettre trop vite
que son soutien zélé à la politique US de regime-change en Syrie a non
seulement aidé à l’avènement de Daesh, mais conduit aux attentats de
Paris, Flanby a bien sûr réaffirmé son rejet de Bachar al-Assad. Mais
l’affaire semble désormais pliée. Il faudra faire avec. Et plutôt deux
fois qu’une. Seul Bachar, et ses alliés iraniens et du Hezbollah, ont en
effet les bottes nécessaires pour nettoyer la place. Du fond de son
immense désarroi, le Président-Poire s’est donc vu contraint d’en
appeler à une grande coalition incluant même la Russie honnie, ce qui
témoigne de l’ampleur du virage opéré, même s’il est évident que c’est
en adjoint du shérif US que Flanby conçoit son engagement. Reste qu’on
se demande comment tout ce petit monde, chacun avec ses ambitions
divergentes, va bien pouvoir cohabiter dans le ciel syrien.
Autant d’objectifs divergents que d’acteurs
Pour les Etats-Unis, c’est le casse-tête intégral. D’une part, il s’agit
en effet de brider tout de même un peu Daesh tout en sauvant ses
«gentils terroristes» du massacre pour maintenir un certain niveau de
chaos utile à leur politique dans la région. D’autre part, il faut
empêcher coûte que coûte la Russie de sauver durablement Bachar al-Assad
et d’installer ainsi un leadership en Syrie et dans la région.
Pour Hollande le dilettante, l’enjeu est également complexe. Bien sûr,
Flanby va tout d’abord exploiter jusqu’à la nausée sa nouvelle posture
de Président en guerre, histoire de faire oublier le caractère
lamentable et pitoyable de son mandat. Avec une popularité inférieure à
20% de moyenne dans les sondages, ça se comprend. Mais il s’agira aussi
de conduire l’opération de com’ intérieure qu’est la riposte contre
Daesh en évitant de dégommer trop des «gentils terroristes» US d’une
part et, de l’autre, d’éviter d’irriter trop fortement les souteneurs
saoudiens et qataris de Daesh à qui la France libérale des gros contrats
doit tant.
Dans cette affaire, seule la Russie ne s’encombre d’aucune ambiguïté
avec un plan de dératisation clair et précis incluant le rétablissement
de la souveraineté syrienne.
Formellement, malgré des stratégies que tout oppose, tout se passe
pourtant comme si nous étions à la veille d’une nouvelle union sacrée,
type Première Guerre du Golfe (les Britanniques sont d’ailleurs sur le
point de s’engager dans la partie), au point que certains évoquent même
une possible implication de l’OTAN.
Non sans une certaine ironie, il faut reconnaître que la chose
représenterait d’ailleurs une merveille d’horlogerie schizophrène
typiquement post-moderne compte tenu de la situation de quasi guerre qui
prévaut actuellement entre la Russie et l’OTAN en Ukraine. Ennemis en
Ukraine, alliés en Syrie! Le monde marche plus que jamais sur la tête et
vous en reprendrez donc bien une tranche?
Risque de perte de contrôle
Après quatre ans de cet indicible infligé au peuple syrien par la
politique criminelle de regime-change du Bloc atlantiste, nous voilà
donc en passe d’être sauvés. Tout le monde va donc tirer au même missile
pour écraser Daesh.
Sauf qu’en plus des intérêts divergents des acteurs énumérés plus haut,
reste un problème de taille. Quel sort va-t-on réserver aux financiers
et idéologues de Daesh, l’Arabie Saoudite et le Qatar?
Autrement dit, comment le Bloc atlantiste va-t-il contribuer à la chute
de Daesh sans susciter l’ire de ses alliés du Golfe, blindés de ce
précieux pétrole et des hypnotiques océans de dollars qui vont avec.
Et au-delà, comment ce même Bloc atlantiste peut-il prétendre vouloir en
finir avec le terrorisme islamique tout en épargnant les pays qui lui
fournissent depuis des décennies son combustible idéologique avec leur
wahhabisme rétrograde et conquérant ?
Bref, même si l’élimination de Daesh nous paraît bien légitime et
surtout souhaitable, nous voyons soudain avec une immense méfiance
l’implication du Bloc atlantiste dans l’affaire, et nous aurions
finalement préféré voir la Russie poursuivre seule sa bataille.
La crainte est en effet grande de voir désormais Moscou perdre
l’initiative de son action et, dans la foulée, voir toute cette belle
mécanique s’effondrer sous le poids des habituelles manigances du Bloc
atlantiste.
Ne resterait alors qu’une énième version de la War on Terror éternelle
si chère à Washington... et à Daesh qui aura beau jeu de dénoncer une
nouvelle invasion de Croisés en terres musulmanes, histoire de doper son
recrutement.
«Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les
causes», disait Bossuet.
Après le chaos-créateur, le terrorisme-créateur?
Le pari de Moscou est ainsi fort risqué.
Bien sûr, les attentats de Paris ont montré la justesse de son réalisme
politique et de sa stratégie.
Mais si le Bloc atlantiste est aujourd’hui contraint de lui prêter main
forte, il est peu probable qu’il aille jusqu’à sacrifier ses ambitions
régionales dans l’opération. On ne se refait pas.
Les Etats-Unis préféreraient ainsi de loin maintenir le statuquo d’un
«chaos créateur» au Moyen-Orient et d’une guerre éternelle contre ce
terrorisme avec lequel il nourrit tant de relations incestueuses.
Le nihilisme néolibéral dont l’Empire est la matrice peut en effet très
bien s’accommoder d’une certaine dose de terrorisme offrant, surtout en
période de déclin civilisationnel, les facilités d’une gouvernance par
la peur qui pourrait elle-même favoriser l’instauration d’un
totalitarisme à la sauce typiquement néolibérale justement, c’est-à-dire
avec sous-traitance de sa terreur à une main d’œuvre bon marché...
D’un «Paris outragé!», à un «Paris libéré !»
«Les jeunes Français doivent s'habituer à vivre durablement avec la
menace d'attentats», avait déclaré en début d’année déjà le
premier-ministre libéral Manuel Valls devant les élèves d'un lycée
agricole à Brie-Comte-Robert. Promesse évidemment réitérée au lendemain
des attentats de Paris.
Vaste programme.
Après avoir demandé à sa jeunesse de s’habituer à vivre avec le Sida,
puis avec le chômage de masse, le Système néolibéral, créateur de cette
contre-civilisation qui est la nôtre, lui demande donc aujourd’hui de
s’habituer à vivre «durablement» avec le terrorisme, et donc avec la
guerre contre le terrorisme, c’est-à-dire probablement pour l’éternité.
Il n’est de loin pas assuré que le programme séduise.
Il se pourrait même que par effet de saturation, le peuple français
réalise enfin que son véritable ennemi est peut-être moins dans les
sables orientaux que dans ce Système néolibéral atlantiste créateur de
chaos, et dont la caste politico-médiatique française du parti unique à
deux têtes est le promoteur dans l’Hexagone.
Intuitivement, nous avons toujours pensé en effet que la France, Paris,
de par son Histoire et sa nature profonde, avait le potentiel, pour ne
pas dire la mission, d’être le berceau de ce sursaut-là.
Contrairement à l’alignement lobotomisé type «JeSuisCharlie» espéré par
le pouvoir, il y a donc des raisons d’espérer, de rêver que, à terme,
les attentats de Paris, de ce «Paris outragé!», puissent finalement
aboutir au réveil révolutionnaire anti-Système d’un «Paris, libéré!».
Publié par entrefilets.com le
16 novembre 2015
PS : Suite à une erreur
d’aiguillage, une première ébauche de ce texte avait été publiée
momentanément le 16 novembre. Toutes nos excuses donc pour cette
maladresse.