Internet : le prix de la gratuité

16/07/2013 Pour le Système néolibéral, le principe de gratuité est une hérésie, un défi à sa raison, ou plutôt à sa religion. Même la gratuité du vivant lui fait horreur et les «progrès scientifiques» lui servent désormais à manipuler et à infecter jusqu’au cœur le plus intime de la vie pour se l’approprier et la vendre. Très logiquement, la gratuité apparente des services fournis par les géants du web ne pouvait donc être qu’une supercherie. C'est entendu. Mais le scandale PRISM aura aussi permis de révéler que cette supercherie n’était pas seulement destinée à marchandiser nos traces électroniques et notre vie privée, mais à en faire une formidable base de données accessibles pour l’éternité numérique à l’appareil de contrôle et de répression du Système. C’est le prix de la gratuité.

«Plus besoin de supprimer vos e-mails»
C’était si tentant.
Google qui offre pas moins de 15 gigas d’espace «gratuit» (15’000 megas…) pour stocker gratuitement nos emails, nos contacts, nos discussions, nos recherches sur internet, bref, la moindre de nos traces électroniques. Et puis il y a aussi tous ces autres services que le Leviathan du web «offre» pour calculer nos déplacements, faire des achats, échanger nos photos, nos vidéos, nos pensées.
Tant de place à disposition ! Tant de flexibilité ! Tant de services ! Quelle liberté ! Et tout cela gratuitement !
Prodige !
Intuitivement, on se doutait bien qu’il y avait anguille sous roche. On se doutait bien qu’«ils» fouillaient dans nos mégas puisqu’à chaque clic, des pubs de plus en plus ciblées apparaissaient sur nos pages. Pas très net comme procédé mais bon, on pensait que finalement c’était ça, le prix de la gratuité : un simple traçage nauséabond certes, mais juste destiné à anticiper nos désirs et à en susciter de nouveau. Le gavage consumériste habituel donc.
Or depuis PRISM, on sait que tous les géants du web, de google à facebook en passant par
microsoft, apple, yahoo, aol ou paltalk collaborent activement avec les services de contrôle et de répressions du Système à qui ils livrent absolument tout de leurs données, et en temps réel.
«Grâce aux 15 Go de stockage gratuit dont vous disposez,
clame une pub de google encore visible à ce jour, plus besoin de supprimer vos e-mails pour récupérer de l'espace.»
Le slogan résonne aujourd’hui d’une signification tout aussi nouvelle que dérangeante.

De la transparence à l’obéissance
Le Système sait donc désormais tout de nous ; des gens que nous fréquentons, que nous admirons, que vous haïssons. Il sait tout de nos goûts, de nos idées, de nos pensées. Il sait ce qui nous réjouit, ce qui nous fait peur. Il connaît nos vertus comme éventuellement nos vices.
Petit à petit, c’est ainsi une société de la transparence qui s’est mise en place «à l’insu de notre plein gré» pourrait-on dire, tout en se parant des atours les plus ludiques, les plus pratiques, prétextant toujours davantage de confort, de convivialité et, bien sûr, de liberté cela va sans dire : «Dites-nous tout de vous, nous nous occupons de tout.»
Sauf que cette société de la transparence marque une étape décisive, nécessaire, vers la société de l’obéissance où nous conduit inéluctablement le Système dans
sa dérive totalitaire.
Et à l’heure où cette dérive sera consommée ; à l’heure où l’hyper-puissance du Système sera devenue telle que toute forme de séduction lui sera devenue inutile ; à l’heure enfin où faute de ressources, de travail ou de pain, le Système ne pourra perdurer que par la violence, nul besoin d’être grand clerc pour imaginer ce qu’une telle masse de renseignements fournira comme moyens de pression et de répression sur les individus les moins dociles.

Le prix du choix
La gratuité n’existe pas dans les business plans du Système. C’est un piège qui nous rend redevable auprès de celui qui prétend nous l’offrir, et qui l’autorise dès lors à nous prendre ce que nous pensons avoir économisé, et cela de la manière qui lui plaira. 
La raison voudrait que nous rejetions la supercherie de la gratuité.
Un fournisseur de services local vous propose une messagerie  garantissant la protection de votre vie privée pour quelques francs par an?
Un browser vous garantit un
surf anonyme et sans tracking ?
Un réseau social s’articule sur une architecture dissidente qui protège vos données grâce à un système d’abonnement ?
Toutes ces alternatives existent.
D’aucuns ne manqueront pas d’objecter que même si nous devions massivement migrer vers ce type de plateformes dissidentes, les capacités technologiques de la NSA et de ses clones leur permettront toujours d’espionner qui ils voudront.
C’est sans doute vrai. Mais avec une nuance de taille : cela contraindrait le Système à l’illégalité.
Alors pourquoi donc ne pas payer ces services dans une monnaie que nous aurons choisie : c’est-à-dire en une poignée d’euros plutôt qu’avec un blanc-seing donné au Système pour nous ficher ?
Ah, oui, nous sommes déjà tous prisonniers du poids de nos habitudes, et du confort offert par ces entreprises-collabos dont il faut bien reconnaître que les services
fonctionnent à merveille.
Et puis nos démocraties libérales restent le meilleur des mondes n'est-ce pas ?
N'est-ce pas?