pr
11/04/2007
Interview exclusive du député du Hezbollah,
Hussein Hajj Hassan
,
né
dans la Békaa en
1960, docteur en physique et chimie, Hussein Hajj Hassan milite dans
les rangs du parti chiite qui le présente sur sa liste électorale en
1996. Il est élu député chiite de Baalbeck-Hermel et est réélu lors
des scrutins de
2000
et
2005. Au Parlement, il a dirigé entre
2000
et
2005
la commission parlementaire de l’Agriculture et du Tourisme.
«C'est décidé, nous allons résister pacifiquement,
pacifiquement et pacifiquement»
- Le blocage semble total dans la crise libanaise, que propose
l’opposition, et le Hezbollah en particulier ?
- Toutes les solutions soumises au gouvernement de M. Fouad Siniora pour sortir
de la crise ont été rejetées par ce dernier. Le chef du Hezbollah, Hassan
Nasrallah, propose donc la seule option qui reste, à savoir en référer au
peuple. Pour cela nous avons les instruments de n’importe quelle démocratie
moderne que sont le référendum ou les élections législatives anticipées.
- Comment expliquez-vous le soutien inconditionnel des Occidentaux au
gouvernement de M. Siniora ?
- Ils ont des buts politiques
régionaux qui concernent la crise entre Israéliens et Palestiniens, entre Arabes
et Israéliens, la crise avec la Syrie, la crise avec l’Iran, la crise en Irak.
Pour les atteindre, les Américains appliquent leur logique de « chaos
constructif » qui est censée aboutir dans notre région à l'émergence de ce
fameux « Nouveau Moyen-Orient ». Donc ils essaient de provoquer ou d’intensifier
les crises partout où cela est possible, notamment en instrumentalisant ici la
scène politique libanaise. De notre côté nous essayons de faire obstacle à cette
politique. C’est ce que nous avons fait durant la dernière guerre qui a été
faite par les Américains et dans laquelle nous avons résisté. Et c’est ce que
l’on fait maintenant de façon politique pour refuser la tutelle américaine sur
le Liban..
-
La guerre lancée en juillet dernier par les Israéliens a donc bien été
commanditée par Washington?
- Ce n’est plus un secret. Condoleezza Rice a dit ouvertement durant cette
guerre que ce conflit avait pour but de créer un « Nouveau Moyen-Orient ». Elle
a dit que la situation au Liban était très tendue et elle a même prophétisé que
cela pourrait aboutir à des confrontations intérieures...
-
Mais la manœuvre a échoué.
- Pour l’instant oui, mais cela ne veut pas dire qu’ils ont renoncé.
-
Vous vous attendez à un deuxième round avec Israël ?
- Pas nécessairement. Les tentatives de déstabilisation peuvent survenir par
d’autres moyens comme les assassinats. Quant vous entendez un ministre comme Ahmad Fatfat dire qu’ils ont des informations comme quoi il
est sûr qu’il y aura des assassinats, quand vous entendez Condoleezza Rice ou
John Bolton parler eux aussi d’assassinats ou d’émeutes, il devient presque
évident qu’il y a quelque part des gens qui préparent cela.
-
Vous pensez à des groupes particuliers ?
- Il est bien connu au Liban que les Forces Libanaises (n.d.l.r.: de Samir
Geagea, condamné trois fois à la prison à vie pour assassinats et finalement
gracié) et le Parti socialiste progressiste se fournissent en armes et
entraînent leurs troupes.
-
Les attentats de Bikfaya (n.d.l.r. : qui fait douze morts en février dernier)
étaient-ils une autre tentative de déstabilisation du pays.
- Nous ne savons pas avec qui travaillent les gens qui ont été arrêtés dans le
cadre de cette affaire. Il ne faut pas être naïf pour croire que c’est encore et
encore la Syrie qui est derrière cela. Car depuis deux ans Damas est accusé sans
qu’aucune preuve de son implication dans les assassinats qu’on lui attribue
n’ait été présentée. En revanche, Condolezza Rice proclame qu’elle a des
informations qui font état de préparatifs d’attentats et ces attentats se font !
Quelqu’un qui a de telles informations, pourquoi ne dit-il pas qui,
comment et quand ?
-
L’Amérique considère encore le Hezbollah comme une simple légion
iranienne.
- Accuser le Hezbollah d’être une légion iranienne c’est comme si l’on avait
accusé le Général de Gaulle d’être une légion anglaise. Nous sommes Libanais,
nous travaillons sur le territoire libanais, nous faisons partie de l’Etat
libanais. Il est vrai que tous les pays de la région, le Liban, l’Irak, la
Syrie, l’Iran, la Palestine, la Jordanie notamment ont des intérêts communs.
Nous partageons une même géographie, une même culture, une même histoire. Il est
donc tout à fait normal d’avoir ces intérêts communs. Ce qui n’est pas normal,
par contre, est de refuser d’avoir des intérêts communs avec la Syrie ou l’Iran
et d’accepter d’en avoir avec les Etats-Unis.
- Si les Etats-Unis persistent dans leur volonté de déstabiliser le Liban, et
que des actions violentes surviennent à nouveau, le Hezbollah pourra-t-il
résister longtemps de manière pacifique ?
- Oui, c’est décidé. Nous allons résister pacifiquement, pacifiquement et
pacifiquement.
- Pensez-vous que les Américains vont finalement attaquer l'Iran?
- Les États-unis ont aujourd'hui une politique confuse. Il y a des tentatives de
la part des démocrates pour désamorcer la crise. Mais tout reste possible.
- La riposte iranienne pourrait tout de même aboutir à la destruction du corps
expéditionnaire américain en Irak...
- Il est vrai que les capacités militaires de l'Iran ne sont pas celles de
l'Irak. Une attaque de ce pays pourrait avoir de très lourdes conséquences.