"Nous refusons la guerre civile,
nous refusons la guerre entre les confessions,
entre les religions,
entre les forces politiques"

 

 

Extraits d’un discours de Sayyid Hassan Nasrallah, leader du Hezbollah, mouvement de résistance chiite libanais (les chiites représentent plus de 30% de la population libanaise)

Diffusé le 7-12-2006, cinq mois après la fin de l’agression israélienne. Le discours a été prononcé à la veille d’une grande manifestation de l’opposition réclamant le départ du gouvernement Siniora..

 

Les gens du pouvoir ont essayé de susciter la peur chez vous pour vous empêcher de venir sur la place du rassemblement, mais ils ont oublié que vous êtes un peuple sans peur, ils parient sur votre fatigue, mais ils ont oublié que vous avez tenu 33 jours sous les bombes les plus meurtrières et non seulement sous la pluie et dans le froid. Nous sommes plus forts que la fatigue, la faim, le froid, et plus forts que les lancements des fusées, qu’en est-il alors pour le lancement des paroles? Nous sommes plus forts que la guerre, qu’en est-il alors des menaces?

En votre nom, j’appelle les Etats arabes soucieux du Liban à ne pas intervenir en tant que partie et de ne pas soutenir une partie contre l’autre. Celui qui souhaite le salut du Liban et son unité doit tendre la main à tous les Libanais et de ne pas se contenter des rapports de leurs ambassades au Liban.

Et je dis aux membres du gouvernement illégitime que votre appui sur le soutien américain et occidental ne vous servira aucunement. Ce sur qui ils s’appuient, et en premier lieu Georges Bush, a lui-même grand besoin d’être aidé et sauvé. .. Ce gouvernement a reçu et continue à recevoir depuis un an et demi un soutien américain et occidental comme il n’en a jamais reçu dans l’histoire du Liban, est-ce que cela ne suscite pas des questions? Pourquoi cet amour américain pour le gouvernement et pour le président de ce gouvernement?

(...)

 

>> Sur la position de l’opposition
et les tentatives de déstabilisation du Liban

 

Nous, dans l’opposition, nous insistons sur notre revendication et notre objectif, qui sont la constitution d’un gouvernement d’unité nationale libanaise réelle. Pourquoi? parce que la constitution spécifique, multiple et variée du Liban signifie que le pouvoir d’une seule partie a toujours mis le Liban face au mur, le Liban ne peut se lever que par la participation et l’accord, par la solidarité et la coopération, et non par l’accaparement. Nous voulons un gouvernement d’unité nationale car c’est le seul moyen d’empêcher toute tutelle étrangère et que le monde l’entende, nous voulons un gouvernement libanais dont la décision est libanaise, la volonté, la souveraineté sont libanaises, et c’est ce à quoi nous tendons, c’est ce qui garantira au Liban sa sécurité, sa stabilité, son avenir, son épanouissement, son salut et son unité. Nous refusons toute tutelle étrangère, qu’elle soit celle d’un ennemi, d’un ami ou d’un frère.

(...)

Notre rassemblement est pacifique, civil et civilisé. Ce sont eux qui ont assassiné le martyr Ahmad Mahmoud, ils ont voulu nous entraîner à un conflit armé et aux combats. Mais au nom du martyr, de tous ses camarades, de tous ceux qui sont dans l’opposition, je dis à l’équipe au pouvoir et à ses forces politiques, et malheureusement, à quelques-unes de leurs milices: nous refusons la guerre civile, nous refusons la guerre entre les confessions, entre les religions, entre les forces politiques. Nous refusons tout affrontement armé dans la rue, tout comme nous refusons tout affrontement dans la rue. Nous avons voulu que notre mouvement soit civilisé et pacifique, et nous l’avons prouvé le vendredi dernier, au cours du rassemblement inégalé encore dans l’histoire du Liban.

Je dis aux Libanais et à tous les peuples de la région, à ceux qui poussent à la guerre civile, toute guerre civile est une perte pour tous, je ne dis pas vous perdez et nous gagnons, mais tous, nous perdons. Tous les Libanais perdent. .. Et même si vous tuez Ahmad Mahmoud, même si vous tuez un millier de Ahmad Mahmoud, nous ne lèverons les armes contre personne.

Ils ont oublié, ceux-là, et plusieurs d’entre eux faisaient partie du gouvernement qui avait interdit la manifestation en août 93, lorsque les coups de feu ont été tirés et que dix martyrs et 50 blessés sont tombés, nous n’avons levé les armes contre personne. Nous n’avons pas besoin des armes pour vous défaire, car nos armes sont uniquement pour faire face aux sionistes. Nous, par nos voix, nous assurerons votre défaite, par le sang de Ahmad Mahmoud, nous assurerons votre défaite, par le sang de tout martyr opprimé que vous pourrez tuer, nous assurerons votre défaite, par notre insistance sur l’unité, sur la fraternité, sur la concorde.

Certains responsables religieux et politiques disent aux gens dans les cercles restreints: «ils ont des armes et des fusées dirigées contre vous, ils vont détruire vos maisons». Je demande à tous ceux-là et à ceux qui les écoutent: celui à qui nous avons démoli une maison, qu’il vienne et réclame son compte, celui dont nous avons fait couler le sang au Liban, qu’il vienne et réclame des comptes. Mais vous qui excitez les gens, combien de maisons avez-vous détruites, combien de gens avez-vous tués? Nous ne voulons ni tuer, ni menacer personne.

Nous ne nous laisserons pas entraîner dans une guerre civile, ni à une lutte confessionnelle ou autre sédition interne.

Je suis triste de discuter autour d’une table avec des gens qui veulent discuter des armes de la résistance, qui n’ont jamais été dirigées vers l’intérieur, qui veulent arracher ces armes, alors qu’ils font venir, cachent et distribuent les armes dans plus d’une région et plus d’un lieu. Ils ont envoyé leurs milices armées pour vous couper la route lors de votre retour du rassemblement et ils ont assassiné Ahmad Mahmoud et blessé d’autres.

(...)

L’incitation confessionnelle est une erreur, un crime historique, religieux, humain et politique.

Aujourd’hui, je réclame une commission arabe d’enquête, de la Ligue arabe, ou une commission islamique, de l’Organisation du conseil islamique, afin qu’elle vienne et enquête: quiconque fait de l’incitation confessionnelle ou religieuse est un traître. Qu’elles viennent enquêter. Qui lance des discours confessionnels ou religieux? Qui fait de l’incitation? Qui diffuse des communiqués légalisant le meurtre de gens appartenant à une ou telle autre confession? Qui transforme le conflit politique au Liban en conflit religieux?

Ils veulent entamer notre place dans le monde arabe, mais le monde arabe sait et si nous avons obtenu cette place, c’est parce qu’il le sait, nous sommes les gens qui défendons une cause noble et sacrée, et nous servons notre cause. Nous ne réclamons pas de postes, ni de place ni des hommages, et même dans le prochain gouvernement d’unité nationale, nous ne réclamons aucune part au Hizbullah. Nous ne revendiquons pas de pouvoir, ni de postes, nous portons une cause, et nous la défendons avec notre sang et nos fils.

(...)

Ne prenez pas prétexte d’un groupe shiite ici ou là, comme aucun shiite ne devrait prendre prétexte de l’attitude d’un groupe sunnite ici et là. Est-ce que nous devons juger les sunnites parce qu’un président arabe a signé un traité avec Israël à Camp David? Est-ce que les sunnites sont responsables de l’accord de Camp David? ...

 

>> Concernant la guerre de juillet 1996

 

Il est regrettable que ces derniers temps, l’équipe au pouvoir a voulu ouvrir à nouveau le dossier de la guerre de juillet et août, faisant porter la responsabilité de la guerre et les destructions au Hizbullah. Il semble qu’il y ait une note générale adressée à tous. Je fais personnellement partie de ceux qui ont toujours voulu remettre à plus tard les paroles sur ce dossier, pour l’intérêt des Libanais, mais puisque vous insistez, écoutez.

Concernant la guerre: je réclame la constitution d’une commission juridique libanaise, composée de juges équitables, ou d’une commission arabe, pour ouvrir une enquête sur la dernière guerre. Ils nous accusent, mais aujourd’hui, en toute franchise, je vais les accuser.

Celui qui a demandé aux Etats-Unis, à George Bush et Dick Cheney, officiellement, de faire la guerre contre le Liban, à cause des armes de la résistance, et parce que l’armée libanaise est une armée patriotique qui refuse l’affrontement avec la résistance, ceux qui ont demandé aux Américains qu’Israël lance sa guerre contre nous, savent qui ils sont, je les connais et je souhaite que ne vienne pas un jour où je serai contraint de les citer publiquement.

Ils avaient prévu une prison dans une colonie au nord de la Palestine occupée, Roshbina, qui est une base militaire, aérienne, qui peut contenir environ 10’000 prisonniers. Est-ce que ces prisonniers seraient seulement du Hizbullah? Non, ils auraient pu être de tous ceux qui sont opposés à l’équipe au pouvoir au Liban.

Ceux qui portent la responsabilité de la guerre au mois de juillet n’est pas la résistance, puisque le communiqué du gouvernement lui reconnaît explicitement le droit d’agir pour libérer la terre et les prisonniers. Celui qui porte la responsabilité de la guerre et de la destruction est celui qui a demandé aux Etats-Unis et à Israël de prendre cette opération pour prétexte pour lancer sa guerre contre le Liban, et j’accepte un tribunal neutre et une commission d’enquête neutre.

Lors de la guerre, ils avaient accepté la première version du projet américano-français, mais lorsqu’ils ont été surpris par le refus national au Liban, ils ont changé. Lorsque Olmert a déclaré cet été que des parties du gouvernement libanais l’avaient contacté insistant pour poursuivre la guerre, cela était vrai, nous savons qui sont ceux-là, et j’espère que ne viendra pas le jour où je serai contraint de dévoiler leurs noms.

Concernant le premier ministre d’un gouvernement devenu illégitime, je lui demande: lorsqu’en pleine guerre, les sionistes ont détruit tous les ponts et les routes pour couper les voies d’acheminement des armes à la résistance, et qu’ils ont échoué, et que ces voies ont continué à fonctionner jusqu’au dernier jour, je lui demande: n’as-tu pas demandé à l’armée libanaise de confisquer les armes de la résistance? Concernant cela, j’accepte une commission d’enquête, les témoins sont vivants, et ceux que j’ai envoyés pour négocier avec lui, la nuit, pour geler cette décision, sont toujours en vie.

Mais plus grave encore... Alors que les appareils de la sécurité interne dépendants du pouvoir devaient poursuivre et rechercher les espions et les réseaux israéliens qui informaient les Israéliens pour qu’ils bombardent, malheureusement, un des appareils officiels de la sécurité a agi pendant la guerre pour rechercher les lieux où se trouvaient les dirigeants du Hizbullah, et notamment le lieu où je me trouvais personnellement au cours de la guerre.

Mais avec tout ce que j’ai avancé, et le monde pourrait être surpris et vous allez l’être, nous sommes les porteurs de valeurs et nous portons la culture du pardon et de l’amour, je vous pardonne mais s’ils veulent que je rende des comptes, je suis prêt.

(...)