Tuer bien à l’abri derrière une console : c’est tellement plus clean !
22/07/2010 On arrête pas le progrès, c’est connu.
Au travers d’un reportage diffusé récemment au JT d’une chaîne française
admirative, l’armée américaine faisait l’éloge d’un
nouveau centre de formation où, avant de partir au front, les GI’s
allaient apprendre à se battre sur… un simulateur. C’était la confirmation
éclatante, rendue presque comique par la fierté des instructeurs américains
décrivant leur nouveau jouet, du fantastique décrochage qui éloigne, jour après
jour, progrès technologique après progrès technologique,
l’homo americanus du monde réel.
Mais il y a désormais plus fort en la matière. Aujourd’hui on peut massacrer de
vrais civils Irakiens ou Afghans, en chair et en os, qui respirent, bougent,
pensent, éprouvent, aiment, souffrent, saignent et tout et tout, en jouant avec
le joystick d’une petite console installée
dans le Nevada et qui pilote en temps réel un drone
(avion sans pilote) évoluant sur Badgad ou Kandahar.
Bien à l’abri à 12'000 km du théâtre d’opérations, de bons petits fonctionnaires
US, douillettement installés dans leur
petit bureau, alternent ainsi, candides mais appliqués, un
petit massacre et un donuts, une petite tuerie et une poignée de marshmallow
avant d’aller faire la bise à leur progéniture sans avoir besoin de penser aux
membres arrachés, aux familles décimées, aux enfants éventrés par leurs ludiques
petites activités diurnes au service de la Liberté.
C’est là l’une des grandes vertus du technologisme militaire US, capable
désormais de produire des instruments qui met à l’abri l’assassin de ses crimes,
met à l’abri le bon petit soldat de l’empire du risque et de la culpabilité, qui
permet in fine de nier le crime et
surtout l’existence même de la victime du crime puisque, par écran interposé,
tout ce que le soldat-joueur tue en définitive, ce sont des pixels.
Bien sûr, le système anthropotechnique constitué dans ce cas par le
soldat-joueur et sa machine nous apparaît clairement comme une déviance dont on
flaire immédiatement le caractère profondément nauséabond et malsain. Et l’on
éprouve soudain une certaine admiration pour les insurgés de toutes les guerres
US qui montent au front avec des kalachs recyclées et des bombes artisanales,
assumant leur responsabilité de tueurs et reconnaissant au moins leur victime
d’en accepter les éclaboussures sur la lame de leur couteau ou leurs mains.
Bien sûr, ces dérives technologiques et l’éloignement du réel qu’elles imposent
nous apprennent aussi une chose, ou plutôt nous la confirme. Le système
américaniste/occidentaliste produit une technologie qui l’éloigne sans cesse un
peu plus du réel, lui fait perdre le contact avec la guerre et ses lois ce qui
signifie, à plus forte raison dans les guerres de 4ème génération,
une défaite assurée. Car le plus fabuleux des systèmes anthropotechnique permet
sans doute de vitrifier un pays tout entier à distance, ou peut-être de le
renvoyer à l’âge de pierre sans y avoir posé le pied. Mais au final, il ne
viendra jamais à bout de celui qui, en face, au milieu des décombres, se
relèvera l’arme à la main et la rage au cœur pour défendre sa terre et sa
famille.
PS : C'est si chouette, la guerre,
en hélicoptère ! Mais il ne faut surtout pas le dire,
sinon….