Breivik et Merah, fils naturels de Huntington ?

 

18/04/2012 Le 22 juillet 2011, Anders Behring Breivik massacre 77 personnes de sang froid dans sa croisade pour sauver la culture norvégienne de l’invasion musulmane. Entre les 11 et 19 mars derniers, Mohammed Merah tue 7 personnes dans une autre croisade, pseudo-jihadiste cette fois. Le premier, actuellement jugé, est souvent présenté comme un fou, le second a été exécuté. A priori, tout semble opposer les deux assassins. Pourtant, tous deux ont en commun d’être les rejetons déviants du «Choc des civilisations», une idéologie perverse qui a trouvé son application concrète avec une «guerre contre la terreur» dans laquelle ils ont baigné, grandi ; de laquelle ils se sont nourris, qui les a inspirés.
Développée par Samuel Huntington en 1996, cette puante théorie du «Choc des civilisations» a fourni la caution idéologique dont les néoconservateurs américains avaient besoin pour préparer les esprits à la série de guerres inscrite à leur agenda dès 1992, et finalement déclenchée à la faveur du 11 Septembre 2001.
Depuis lors, toute la politique étrangère du Système, pilotée par la matrice étasunienne, s’est en effet résumée à une succession de massacres de masse et de boucheries innommables perpétrées en terre d’Islam essentiellement, sous la vertueuse appellation de «guerre contre la terreur».

L’inculpabilité en héritage
- A la souriante «mission accomplie» de Bush;
- à la «réussite extraordinaire des Américains» en Irak revendiquée par Obama (1,2 millions de morts);
- à «l’enfantement dans la douleur d’un nouveau Moyen-Orient» avancé par Conloleezza Rice comme justificatif aux massacres perpétrés au Liban en 2006 ;
- à la «glorieuse page de l’histoire de l’OTAN» qu’aurait constitué, selon Rassmussen, la pulvérisation de la Libye et ses dizaines de milliers de morts ;
- à l’éclat de rire de Clinton à l’annonce du lynchage de Khadafi ;
- à la probable «réussite extraordinaire» qui sera encore revendiquée lors du prochain retrait des troupes de l’OTAN d’Afghanistan, après 10 ans de carnages ;
A tout cela Breivik fait écho en qualifiant ses propres tueries d’«atroces, mais nécessaires», c'est-à-dire en utilisant peu ou prou l’argument avancé par Bush, Obama, Rice, Rassmussen et leurs zélateurs dans leurs entreprises mortifères.
Et c’est également dans le cadre du conflit imaginaire qu’a instillé cette doctrine du «choc des civilisations» que Merah s’est cru autorisé à tuer pour «venger» ses coreligionnaires massacrés en Palestine.
En fait, tous ont en commun de partager la même «inculpabilité», la même certitude que les circonstances exceptionnelles théorisées par le «choc des civilisations» – et incarnées dans la guerre contre la terreur–, leur ont donné licence pour massacrer puisque, en guerre précisément, il est licite de tuer.

Privatisation du délire
Finalement, est-il vraiment surprenant que, dans cet environnement halluciné où la doctrine du «choc des civilisations» a cautionné les pires atrocités au nom de la «lutte du Bien contre le Mal», des esprits malsains et déviants décrochent, sombrent dans l’abject et s’autoproclament «soldat en guerre» dans une sorte de privatisation de la sauvagerie et de l’inculpabilité du Système?
Depuis 11 ans, l’élite politico-médiatique d’un certain Occident ne cesse en effet de nous asséner implicitement le même message : «le meurtre, l’infamie et la barbarie sont des instruments acceptables pour faire triompher le Bien». Ou autrement dit : «des instruments «atroces mais nécessaires» pour protéger notre civilisation, nos acquis».
C’est en tout cas ce que Behring Breivik et Mohamed Merah ont entendu et compris.

Disons-le une fois pour toute : S’il y a diversité des cultures humaines, la civilisation est une et indivisible !
La théorie du «choc des civilisations» et une déjection intellectuelle d’une dangerosité extrême, une aberration malsaine et faussaire, fille de la peur et l’inhumanité..

PS : Au fait, Messieurs les propagandistes du Système, une dernière remarque : pourquoi n’arrivez-vous pas, ou si peu, à parler de Breivik comme d’un «terroriste», alors que c’est le premier terme qui vous est venu sous la plume en parlant de Merah ?
Un problème avec le «choc des civilisations», vous aussi ?