Trump rentre dans le rang, ou pas

10/04/2017 La rébellion de Trump contre l’Etat profond US est-elle terminée? C’est en tout cas ce que laisse penser la salve de missiles tirés sur la Syrie après le «false flag» chimique du 4 mars (1), de même que l’envoi quelques heures plus tard d’un porte-avions vers la péninsule coréenne pour menacer Pyongyang. A en juger par ces soudaines gesticulations militaires, le non-interventionnisme prôné par le candidat Trump n’est plus qu’un souvenir. L’Etat profond l’a apparemment fait rentrer dans le rang, le forçant à emboîter le pas des Bush Senior, Doobleyou, Clinton ou Obama, en bon petit toutou du Parti de la guerre et du Complexe militaro industriel. L’ordre est donc apparemment rétabli et l’Empire de la guerre à nouveau à la manoeuvre. Comme de bien entendu, la caste politico-merdiatique occidentale a applaudi ce «reset», notamment à grands renforts d’éditos humides pour dire son soulagement d’assister enfin au grand «retour du gendarme du monde». Pourtant, un léger doute subsiste.

Deux hypothèses
En préambule, on notera qu’il a suffi au Potus de violer le droit international en attaquant un pays sur la base d’accusations sans preuves pour redevenir un type bien aux yeux de notre indépassable élite occidentale. Du caviar. Cette sublime inversion du sens, des valeurs et du raisonnement atteste s’il en était encore besoin du formidable degré de corruption morale et intellectuelle qui ravage la caste dirigeante atlantiste. C'est la poursuite de l'hystérie messianique d'une contre-civilisation que l'on sent capable désormais de toutes les atrocités pour faire triompher son modèle.
Mais revenons à notre affaire où deux grandes hypothèses s’affrontent.
La première : un éventuel accord secret passé entre Poutine et Trump quant au bombardement de la base syrienne pour permettre au Potus de jouer les gros bras, et se débarrasser ainsi des accusations de complaisance, voire de complicité avec Moscou.
Un certain nombre d’éléments plaident en ce sens, à commencer par le fait que le bombardement sur la Syrie aura été d’une étonnante inefficacité, laissant l’aéroport visé parfaitement opérationnel.
Ainsi, sur 59 Tomahawks tirés, seules 23 ont atteint leur cible, et qui plus est seulement en périphérie, sans endommager le moins du monde les pistes qui ont été remises en service quelques heures après.
Deuxième hypothèse: exit l’accord. L’Etat profond monte le false flag, ou met à profit l’explosion d’un stock d’armes chimiques des rebelles pour accuser Bachar et créer un choc médiatique, puis forcer la main de Trump. L’attaque donne finalement lieu à un tir de barrage des russes à l’aide de leurs S400 (2). C’est le seul scénario qui peut expliquer la «disparition» des 36 missiles US qui se sont évanouis dans la nature sans toucher leur cible.

La bouteille à encre
Dans un premier temps, nous avons penché pour le scénario de l’entente au vu du résultat étonnamment ridicule des frappes US et des bénéfices évidents qu’on pouvait tirer de part et d’autres de l’opération.
Même l’envoi du porte-avions vers la Corée du nord pouvait être interprété comme un écran de fumée destiné à masquer les ratés un peu trop voyants de la frappe US en Syrie justement.
Et puis, à l’inverse, d’autres signaux plaident pour la mise au pas réussie de Trump et le retour à la manœuvre de l’Empire de la guerre.
Le premier est la dénonciation par Poutine du mémorandum entre les USA et la Russie pour la prévention des accidents entre les deux pays dans le ciel syrien. L'annulation de cet accord semble en effet une mesure trop contraignante pour cadrer avec le scénario d’une entente préalable. Car elle implique que les S300 et S400 russes sont désormais passés en mode combat, ce qui fait que n’importe quel appareil ou missile US va être traités par eux en ennemi.
Il y a aussi les menaces russo-iraniennes de «répondre par la force» si la «ligne rouge» est une nouvelle fois franchie par les Américains en Syrie. L’irritation de la Russie et de l’Iran ne semblent donc pas feinte et les menaces bien réelles (3). L’armée syrienne a d’ailleurs déjà tiré sur un drone US dans le nord du pays (4).
Mais pour embrouiller encore l’affaire, les dernières déclarations US disent tout et son contraire. On y suggère à la fois que le départ d’Assad est redevenu un préalable, et puis finalement que non, et qu’il faut interpréter les frappes seulement comme un avertissement et qu’on ne veut pas forcément un changement de régime... (5)
La bouteille à encre donc.

Piégé à l’insu de son plein gré ?
Enfin, un troisième scénario se dessine, typiquement washingtonien. Il se peut en effet que Trump se soit bel et bien laissé mettre au pas par l’Etat profond, mais qu’il est peut-être déjà tenté de faire marche-arrière à en croire les dernières déclarations contradictoires de son équipe. C'est que ses gesticulations militaires relèvent du suicide politique et lui coûtent déjà une avalanche de désertions dans les rangs de ses soutiens.
Sauf que le problème qui se pose à lui maintenant est que même s’il veut reprendre son indépendance, le Parti de la guerre a désormais un formidable moyen de pression pour l’en empêcher. Car en opérant la frappe syrienne sans l’aval du Congrès, il a servi sur un plateau à ses adversaires l’excuse parfaite pour une procédure de destitution en bonne et due forme.
Le désordre est plus que jamais total au pays de ce grand malade d’Oncle Sam, avec les dangers à mesures.

Post-scriptum français
L’affaire a aussi le mérite d’instruire définitivement les électeurs français sur le bellicisme des candidats en lice. La palme des va-t-en-guerre revenant sans surprise aux Dupond-Dupont Hamon et Macron.
A bon entendeur...    
Mis en ligne par entrefilets.com  le 10 avril 2017


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