Ukraine : et c’est reparti pour un tour !
03/12/2013 Les événements du 11 Septembre 2001 avaient permis aux
Etats-Unis d’enclencher une série d’opérations majeures destinées à leur
permettre, enfin, de capitaliser sur la chute de l’URSS. L’offensive
s’était ainsi déployée sur trois axes : remodelage à coups de flingue du
Moyen-Orient ; prise de contrôle de l’Asie Centrale et «annexion» des
anciennes républiques soviétiques.
Un an après la Géorgie, l’Ukraine avait donc déjà été, en 2004,
le théâtre d’une des fameuses «révolutions colorées» orchestrées par la
CIA et la NED. L’objectif était de pousser Kiev dans les bras de l’OTAN
et de l’UE. Aujourd’hui le niet ukrainien à l’UE panique le Bloc
atlantiste qui craint de voir Kiev rebasculer dans le giron de Moscou.
Et Pavlov de reprendre du service pour nous resservir une petite
révolution sur mesure, avec bain de sang en option si nécessaire,
histoire de ramener le régime à la raison atlantiste.
2013, l’année Poutine
Décidément, le manque d’originalité des bidouillages du Bloc de
l’Ouest a quelque chose de consternant. Alors de deux choses l’une :
soit ses élites pensantes ont de terribles problèmes de mémoire
immédiate, soit ils nous prennent vraiment pour des blondes. Et tout
bien considéré, la simple existence de Wikipédia rend la première
hypothèse peu vraisemblable. Les bidouillages des fameuses
«révolutions colorées»
du début des années 2000 sont en effet largement documentés. Et
notamment l’implication de la CIA
(voir l’excellent
documentaire de Manon Loizeau)
ou l’utilisation d’officines officiellement destinées à la toujours
vertueuse promotion de la démocratie, dont la fameuse
National Endowment for Democracy
(NED, Fondation nationale pour la démocratie).
C’est que l’enjeu est de taille,
pour la première fois
depuis l’éclatement de l’empire Soviétique, la Russie a réussi à
empêcher un de ses ex-satellites d’être définitivement absorbé par le
Bloc atlantiste. Et, franchement, après les
succès enregistrés en 2013 par Poutine
sur les fronts syrien ou iranien notamment, ça commence à faire beaucoup
pour le Bloc qui tente dès lors désespérément de ralentir sa chute.
Un accord inintéressant
Pourtant, même si les pressions politiques de Moscou sur Kiev ne
font aucun doute, l’Ukraine avait d’excellentes raisons économiques de
rejeter l’accord avec l’UE.
A commencer par le fait que cet accord était surtout favorable à l’UE
qui aurait pu faire main basse sur le secteur énergétique ukrainien et
sur les joyaux industriels du pays.
De plus, l’Ukraine avait demandé à l’UE des «mesures» visant à la
dédommager des pertes économiques liées à la diminution des échanges
commerciaux avec la Russie, ce que
l’UE avait refusé.
En clair l’accord tel que proposé par l’UE était un joli bâton merdeux
pour l’Ukraine, pour laquelle une coopération avec la Russie et son
entrée dans l’union douanière eurasiatique offraient des avantages bien
plus séduisants.
Enfin, l’arrogance européenne a aussi pesé lourd dans la balance. Dans
l’un de ces superbes exercices d’ingérence que le Bloc affectionne tant,
Bruxelles a en effet réclamé à cor et à cri la libération de
Ioulia Timochenko
(l’ancienne passionaria de la
première révolution bidouillée),
condamnée pour détournement de fonds. Insultant ainsi ouvertement la
justice ukrainienne.
Et on repasse le couvert
Or donc, un soulèvement aussi numériquement formidable que
socialement spontané affronterait à nouveau courageusement le despotisme
soviétisant des élites ukrainiennes, en hurlant bien sûr son amour de
l’UE et de son modèle indépassable de société. Soit. C’est en tous cas
la version sirupeuse de la presse-Système, histoire d’émouvoir dans les
chaumières. Et tout y passe, y compris le militantisme hystérico-obscène
des possédées de Femen.
On a les passionarias qu’on peut.
La réalité est moins glamour.
L’Ukraine est rongée par une corruption phénoménale qui est le quotidien
aussi bien du pouvoir que de l’opposition. Le pays est par ailleurs
traversé par une série de profondes lignes de fractures religieuses,
ethniques ou culturelles, et qui opposent notamment «pro-russes» à l’Est
et
«anti-russes» à l’Ouest,
le tout noyé dans le marasme d’une économie anémique.
Bref, les affrontements qui divisent aujourd’hui l’Ukraine n’ont
pas grand-chose, sinon rien à voir avec le rejet
de l’accord avec l’EU en tant que tel.
En revanche, la présentation tronquée qu’en font les médias
bobos-atlantistes a tout à voir avec une grossière opération de
récupération.
Il s’agit d’une part de servir la narrative d’auto-célébration du
vertueux Système altantiste et, d’autre part, de planter le décor à la
nouvelle petite
«Révolution-orange-bis» dont la CIA et consorts ont pris le contrôle
selon un scénario bien rôdé.
Tous les ingrédients sont donc désormais en place pour renverser un
Président démocratiquement élu : un
candidat pro-européen super-télégénique ;
une répression
forcément féroce,
de
vertueux révolutionnaires
et une presse-Système comme d’habitude dégoulinante de bonnes
intentions.
Allez l’Ukraine, c’est reparti pour un tour !
(Et puis si ça ne marche quand
même pas, au point où on en est, on pourrait toujours rapatrier les
coupe-jarrets actuellement mobilisés en Syrie, non ?)
PS thaïlandais:
Bien sûr, les évènements qui surviennent parallèlement en Thaïlande
n’ont rien à voir avec la pseudo-révolution ukrainienne en cours. Ou
peut-être tout, si l’on se place sous l’angle du désordre généré par
l’expansion forcée du «modèle» mortifère de gouvernance à l’occidental,
c’est-à-dire
la dictature des marchés.
Extrait d’une
analyse dissidente:
«Si l’on en juge par l’élan
général et l’enthousiasme suscité, – nonobstant les médias
occidentaux qui ne voudraient voir dans ces événements que la répétition
d’une crise sociale récurrente qui verrait s’opposer des «élites
citadines gravitant autour du palais» à des «masses rurales défavorisées
du nord-est» –, il s’agit bien là
d’une révolte populaire visant à sauver les intérêts vitaux et les
valeurs fondatrices d’un pays qui a su, jusque-là, s’accommoder de la
mondialisation tout en préservant ses traditions et ses règles. Ce qui
est condamné là-bas, c’est précisément notre modèle démocratique
prétendument universel, mais de fait idéologique,daté et occidental.
»Si l’entreprise de Suthep Thaugsuban devait être couronnée de succès,
elle pourrait ainsi donner des idées à d’autres qui souffrent tout
autant ailleurs d’un système n’engendrant plus qu’une représentation
collective erronée des peuples pour mieux les soumettre à ses dérives
financières, consuméristes et totalitaires.
»La portée de ce qui se joue aujourd’hui à Bangkok va donc bien au-delà
des frontières d’un royaume tropical prisé des touristes pour ses
cocotiers et son sourire.»
Flux et reflux donc, des valeurs d’un Système en perdition.