Le Bloc atlantiste cède, Tel-Aviv et Riyad complotent
25/11/2013 Le 3 septembre dernier, alors que les TV du monde entier se
préparent à diffuser en direct les vertueuses frappes punitives de
l’Occident contre Damas, un bâtiment US tire deux missiles pour tester
la réactivité des côtes syriennes. Leur destruction instantanée par les
forces russes sonne le glas des ambitions bellicistes américaines.
Washington reçoit le message de Moscou 5 sur 5 et, trois semaines plus
tard, c’est le fameux coup de fil d’Obama au Président iranien Rohani,
puis la signature historique deux mois après d’un accord intérimaire
entre Téhéran et le groupe 5+1. Ce virage à 180˚ de la politique du Bloc
atlantiste dans la région survient après deux ans d’hystérie militaire
qui auront coûté la vie à 120'000 personnes en Syrie, et entraîné la
destruction totale du pays. Grands perdants de ce revirement, Israël et
l’Arabie Saoudite se donnent désormais six mois pour rallumer
l’incendie.
Fabuleux ratage
Ainsi donc, après plus de 30 ans de guerre froide avec l’Iran,
l’heure du grand dégel est venue.
L’accord intérimaire
signé dimanche entre l’Iran et le groupe 5+1
(les membres du Conseil de sécurité et l'Allemagne) semble en effet
mettre un point final aux tentatives du Bloc atlantiste de remodeler à
coups de flingue le Grand- Moyen-Orient. Un remodelage commencé en Irak
et en Afghanistan, mais qui prévoyait surtout de briser le dernier axe
de résistance à la domination occidentale dans la région que forment
l’Iran, la Syrie, une partie du Liban (Hezbollah) et de la Palestine
(Hamas).
Le ratage est complet et son prix exorbitant : éclatement irakien;
fiasco afghan; guerre criminelle d’Israël contre le Liban et naufrage
libyen auront coûté la vie à plus d’une million et demi de personnes, et
provoqué la destruction de ces pays en plus d’un rejet désormais global
de l’Occident et de ses «valeurs».
La dévastation de la Syrie, livrée pieds et poings liés aux
coupe-jarrets et assassins djihadistes de tous bords, représente ainsi
le baroud de déshonneur d’une politique atlantiste aussi dévastatrice
qu’inefficace.
Deux fers au feu
Bien évidemment, c’est la résistance des russes, soutenue par les
Chinois en particulier et les pays du BRICs en général, qui a enrayé la
machine de guerre occidentale.
Depuis l’été déjà, les Américains avaient compris que la réédition d’une
opération «à l’irakienne», ou à plus forte raison «à la libyenne», ne
serait pas possible sans prendre le risque de déclencher une guerre
régionale, voire mondiale.
Face à l’impasse militaire qui persistait en Syrie, des pourparlers
avaient donc été engagés
dès ce moment-là
avec les Iraniens pour se ménager la possibilité d’une sortie
diplomatique.
Histoire de faire monter la pression sur Téhéran dans la perspective
d’éventuelles négociations à venir, les USA avaient parallèlement tenté
de marquer des points décisifs en Syrie. Pour ce faire, ils avaient
congédié le Qatar (juin 2013)
pour incompétence et confié la gestion de la guerre à l’équipe
saoudienne du Prince Bandar bin Sultan avec pour mission d’augmenter la
pression et d’obtenir des résultats tangibles.
On connaît la suite. Le 21 août, c’était la vraie-fausse attaque
chimique dans les faubourgs de Damas et le début d’une incontrôlable
montée aux extrêmes.
Poutine à la rescousse
Probablement piégé lui-même par l’excès de zèle de son allié
saoudien (ou des alliés de son
allié saoudien…), Obama n’a alors eu d’autres choix que de soutenir
cette montée aux extrêmes, jouant l’intransigeance mais aussi la montre.
Une porte de sortie s’est alors entrouverte avec le
lâchage britannique
du 29 août. Soudain très inspiré, Obama s’est empressé d’annoncer deux
jours plus tard qu’il était bien décidé à frapper Damas, mais surtout
qu’il
voulait d’abord l’aval du Congrès,
sachant que celui-ci ne le lui donnerait jamais...
Puis ce fut l’épisode des deux missiles tirés contre les côtes
syriennes pour tester la chose «au
cas où» il faudrait quand même y aller, immédiatement suivi de
l’éclatant message russe.
La messe était dite.
Et c’est une semaine plus tard, juste avant que le Congrès n’humilie
définitivement Obama, que Poutine est arrivé pour
sauver la tête du président US
en sortant de sa chapka son fameux
plan de démantèlement
de l’arsenal chimique syrien. Plan sur lequel allait
se jeter BHO,
au grand dam d’un Président-Poire français tout couillon puisque n’ayant
absolument rien entendu de ce qui se tramait en coulisses
(sans doute à cause du vacarme organisé par les lobbies sionistes autour
de l’Elysée…).
Pauvre France…
Colère sioniste
Après avoir fait échouer le premier round des négociations entre
l’Iran et le groupe 5+1, le petit Fabius a donc finalement dû se
coucher. Les
pétrodollars saoudiens
et les pressions israéliennes n’ont en effet pas pesé très lourds face
au changement de cap décidé par les Etats-Unis.
Mais désormais, l’échiquier est totalement bouleversé.
L’Etat juif et la monarchie wahhabite saoudienne se retrouvent pour
ainsi dire dans le même camp ;
celui des isolés
et des grands perdants de cette nouvelle distribution.
Côté israélien, on
ne décolère pas
et la première riposte de l’entité sioniste ne s’est pas fait attendre.
Au lendemain de la signature de l’accord, Tel Aviv a ainsi donné le coup
d’envoi à une relance de la colonisation en Cisjordanie avec le feu vert
à la construction
de 830 nouveaux logements
pour les colons. Le ton est donné et il est clair que Tel Aviv va tout
faire pour rallumer toutes les mèches possibles dans les six mois à
venir pour torpiller la signature d’un accord définitif entre l’Iran et
le groupe 5+1.
Vers la bombe saoudienne ?
Du côté saoudien, on fulmine aussi à plein régime et toutes les
options semblent sur la table, y compris la
course à l’arme nucléaire.
Riyad avait déjà fait savoir avant le deuxième round des négociations
qu’il ne resterait
pas les bras croisés
en cas d’accord. Il faut dire que l’Arabie saoudite est doublement
bernée.
Mandatée par le Bloc pour conduire la guerre en Syrie, elle se retrouve
désormais empêtrée dans un conflit qu’elle va se retrouver seule à
soutenir avec la Turquie et… la pauvre France.
Sur le plan géopolitique, Riyad voit aussi s’évaporer ses chances de
devenir le gendarme régional qu’elle espérait avec l’écrasement de
l’Iran.
L’alliance de tous les dangers
Déjà, une alliance semble en train de se dessiner entre Tel Aviv et
Riyad, où le pire est évidemment envisagé avec des collaborations dans
des plans d’attaque
de l’Iran. Riyad aurait ainsi déjà accepté d’ouvrir son espace aérien
aux Israéliens pour conduire ses raids.
Bref, nous nous retrouvons aujourd’hui avec un accord historique,
certes, mais qui impose une redistribution des cartes qui place dos au
mur deux régimes extrémistes remontés à bloc, et surtout rompus aux
pratiques délinquantes dans leur politique extérieure respective.
Riyad et Tel-Aviv seraient-ils devenus d'encombrants alliés?
A n’en pas douter, les prochains mois seront, disons, décisifs.